• par Louis-Marie Roussiès

    mars 2017

     

    A la fin 1999 une surprenante série d’événements tragiques s’abattit sur Beauval à la suite d’une grande tempête qui dévasta la région. Des arbres furent arrachés, des voitures submergées dans le flux de la rivière, des toits emportés, de nombreuses maisons inondées…Un enfant de dix ans ainsi qu’un couple de vieillards furent portés disparus. Les hélicoptères tournèrent pendant plusieurs jours, des plongeurs envoyés par les pompiers scrutèrent la rivière et de grandes battues s’organisèrent… Chaque soir, on se retrouvait dans la salle municipale pour faire le point sur la situation et héberger ceux qui n’avaient plus rien. Une grande solidarité, jamais connue, se manifesta à cette occasion dans le village. Le préfet se déplaça et promit des indemnités pour la reconstruction. Certains perdirent beaucoup et crièrent leur désespoir auprès des médias : On n’aura jamais assez d’argent pour payer les dégâts ! La vie ne sera plus comme avant! J’ai tout perdu !

    De jour en jour, la vie reprit, lentement, dans la douleur pour quelques-uns. L’enfant fut retrouvé tout transis, apeuré, malade, dans le bois de Grand-lieu. On apprit qu’il était parti jouer dans sa cabane au moment de la tempête ! Sa vie n’était pas en danger. Les recherches continuaient pour les vieillards. La rivière boueuse, trimballant des branches et des objets divers reprit son lit.

    Quelles que soient les conditions atmosphériques Alban faisait sa promenade quotidienne sur le chemin de halage. Les dégâts qu’il observait lui donnaient la nausée ; il ne retrouvait plus ses lieux, empreints de beauté même au creux de l’hiver. Tout à coup, il vit un corps dans l’eau recouvert d’un tissu rouge et blanc. Dans un réflexe, ne pensant pas au danger, il n’hésita pas à plonger, sans se dévêtir, dans une eau très froide. En quelques brasses il s’approcha, souleva la tête hors de l’eau du naufragé et grâce à une nage laborieuse sur le dos tira le corps sur le rivage. Par des gestes, qu’il avait appris dans son ancienne vie comme marin en haute mer, il réussit à lui faire cracher l’eau de ses poumons. Quelques instants suffirent pour qu’une légère respiration se manifestât. Trois passants s’attroupèrent ; un vieux monsieur reconnut le corps de Mme Da Silva, une personne seule, qui vivait à l’écart dans le bourg du village. On ne l’avait pas vue depuis quelques jours mais personne ne s’était inquiété. Les pompiers prévenus arrivèrent rapidement et demandèrent à Alban de les rejoindre à l’hôpital.

    Elle reprenait tout doucement ses esprits. Ses yeux révulsés lui donnaient une apparence mortifère. Elle ne répondit pas aux questions sur son identité. Elle portait un collier au bout duquel pendait un petit bijou, un joli cœur doré, peut-être en or. Dans sa veste rouge on trouva une lettre illisible et un petit carnet rempli d’adresses. Elle fut placée, tout de suite, en réanimation et les recherches sur son identité auprès du Maire du village confirmèrent qu’il s’agissait bien de Mme Da Silva, 65 ans, retraitée, mère de trois enfants, dispersés dans différentes villes de France : Paris, Rennes, Avignon. La personne était solitaire, vivait isolée, sans amis connus.

    Alban, très intrigué, entra vite chez lui pour se changer et avec sa voiture alla à l’hôpital prendre des nouvelles. Il attendit très longtemps avant de pouvoir entrer dans la chambre où la naufragée reprenait ses esprits, se demandant où elle était :  

    - Où suis-je ? Que m’est-il arrivé ? Murmura-t-elle dans un souffle :

    - Vous étiez dans la rivière, un homme vous a sauvée. Il est ici, lui dit l’infirmière.

    Elle le regarda furtivement.

    - Je voulais mourir. Pourquoi m’avez-vous sauvée ? 

    - C’est naturel…

    - Il ne fallait pas.

    Mme Da Silva perdit connaissance quelques instants. Un infirmier lui mit un masque pour sa respiration mais sa vie n’était plus en danger.

    Alban voulut en savoir davantage sur cette femme. Il décida de se renseigner auprès de ses voisins. Tous lui dirent que c’était une charmante personne sans histoires, très discrète, mais qui semblait mélancolique depuis le départ de son dernier fils à Paris. Quelqu’un lui dit qu’il l’avait vue, un soir, déambuler dans les rues, l’air hagard, sans but apparent. Un autre lui affirma qu’elle fut une mère exemplaire, dévouée sans compter pour le bonheur de ses enfants, depuis la mort de son mari. Personne ne comprenait son geste.

    Quand Alban le lendemain revint la voir il apprit qu’on l’avait mise dans la section psychiatrie. Il n’eut pas le courage de lui rendre visite de peur de la trouver encore trop perturbée. L’infirmière lui avoua qu’elle allait rester longtemps ici.

    Un matin, Alban parla longuement avec le facteur qui lui confia qu’elle recevait de nombreuses lettres de Tahiti toujours taxées « C’est un ami d’enfance, m’a-t-elle dit, il tient toujours à moi mais ne vient jamais me voir ! Il devrait m’inviter là-bas ! ». L’été dernier aucune lettre n’était parvenue, elle en fut très affectée. Elle souffrait beaucoup de la solitude. Autrefois c’était une personne très gaie, très vivante. Elle chantait, allait à toutes les fêtes menant les farandoles… Dans le village le bruit courait qu’elle avait eu une grande déception amoureuse.

    Les jours passèrent. Le printemps s’annonçait : quelques primevères parsemaient le sol, des bourgeons s’entrouvraient, les pelouses verdissaient. Mme Da Silva, revenue chez elle, promenait régulièrement son chien, les voisins se faisaient plus attentionnés, Paul et sa femme Elise lui rendaient souvent visite.

    Tout à coup, une nouvelle traversa le bourg du village  « la maison de Mme Da Silva a été cambriolée pendant son séjour chez son fils à Avignon » Des passants s’étaient inquiétés en voyant qu’une porte était entrouverte. La police, prévenue, arriva sur les lieux et constata un grand chambardement : des lits retournés, des armoires vidées, de la vaisselle cassée, des tableaux enlevés et beaucoup de bouteilles d’alcool vides. Elle fut longuement interrogée mais l’enquête n’aboutit pas : elle n’avait pas d’argent chez elle, ne se connaissait pas d’ennemis… On conclut à une tentative de vol par des personnes venant de la ville voisine car d’autres cambriolages avaient été signalés dans la région et quelques personnes suspectes arrêtées.

    Toutefois, les enfants très inquiets de son addiction à l’alcool et de sa tentative de suicide, exigèrent un suivi plus satisfaisant, plus exigeant. A tour de rôle, ils vinrent passer quelques jours chez elle pour remettre de l’ordre, l’accompagner mentalement et trouver des solutions appropriées.

    Les services sociaux la prirent en charge. Alban et sa femme Elise, à la retraite, acceptèrent de l’accueillir chez eux pendant quelques temps à condition qu’elle soit suivie par un médecin et un psychologue et surtout qu’elle arrête la boisson

    Ils l’installèrent à l’étage dans la petite chambre mansardée de la maison. Elle dormit pendant trois jours et trois nuits après avoir pris un médicament adapté pour le sevrage de l’alcool. Bientôt, elle partagea les repas avec Alban et Elise. Tout doucement, elle se confia, cria sa haine, pleura sur son passé « son mari décédé, son amant perdu, l’alcool comme consolation, son manque d’argent, son envie de se suicider qui la poursuivait… » Elle finissait toujours par s’endormir sur le grand canapé.

    Elise s’était prise d’amitié pour elle. Toutes les deux échangeaient parfois leurs émotions jusqu’au bout de la nuit.

    Un jour, elle voulut aller chez elle mais revint le soir même. Quand Elise l’aperçut au loin elle courut à sa rencontre car son visage dévasté en disait long sur son angoisse «  Je ne sais pas… Je ne sais plus… Je veux revoir mes enfants.. » dit-elle dans un souffle. Elle resta longtemps prostrée, Elise lui tenant la main.

    Le lendemain, Alban au cours de sa promenade au bord de la rivière, près de la berge, vit un corps inanimé, recouvert d’un tissu rouge et blanc qu’il reconnut tout de suite. Il essaya vainement de la réanimer, appela les pompiers. Il se pencha, enleva le collier au bout duquel pendait un petit bijou, un joli cœur doré. Très ému, il le serra fort dans sa main. Une larme glissa sur sa joue.

     


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  • par Louis-Marie Roussiès

    avril 2017

     

    Je dis la paix mais c’est étrange

    Le sentiment de peur que j’ai *

    En regardant ceux qui se vengent

    Et n’hésitent pas à tuer.

     

    Je dis la paix mais c’est étrange

    Le sentiment de peur que j’ai

    En observant ceux qui ne mangent

    Jamais assez pour subsister.

     

    Je dis la paix mais c’est étrange

    Le sentiment de peur que j’ai

    Quand je vois des hommes qui plongent

    D’un bateau de réfugiés.

     

    Je dis la paix mais c’est étrange

    Le sentiment de peur que j’ai

    Lorsque les médias dérangent

    L’accès à la sérénité.

     

    Je dis la paix mais c’est étrange

    Le sentiment de peur que j’ai

    Sachant que la nuit se prolonge

    Quand on est prêt à renoncer.

     

    * Aragon

     


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  • par Aimé Lamouroux

    2014

     

    Les Saintes-Maries-de-la-Mer.

    Troisième semaine d’août. Une belle journée ensoleillée avec légère brise marine.

    En ce début d’après-midi, assis sur un banc de pierre face à l’église fortifiée, je contemple le va-et-vient incessant des vacanciers qui font les boutiques avant d’aller sur la plage se livrer au rituel des expositions solaires. Les journées caniculaires sont terminées, quelques orages ayant vers le 15 août rafraîchi l’atmosphère. La lumière aveuglante de juillet a cédé la place à une lumière plus contrastée, faisant davantage ressortir les façades colorées des maisons, les stores bariolés des cafés et des magasins de souvenirs, et donnant plus de relief aux silhouettes des passants. A cette heure les terrasses des restaurants commencent à se vider tandis que les ruelles étroites se remplissent d’une foule bigarrée de plus en plus compacte. Quelques agglomérats stagnent devant les étalages, ralentissant le flux des promeneurs et des curieux. Les uns hésitent entre le chapeau de gardian et la chemise provençale ; d’autres discutent bruyamment avant de porter leur choix sur un souvenir de la région : le taureau en matière plastique, la croix camarguaise, ou la paire de banderilles qui leur rappellera la sanglante corrida à laquelle ils ont assisté la veille pour la première et souvent la dernière fois. Tous prennent inlassablement des photos, généralement avec des téléphones portables qui ont peu à peu remplacé les encombrants réflex d’autrefois ; des photos de tout et de n’importe quoi, le plus souvent d’ailleurs d’eux-mêmes, sous la forme de selfies qu’ils s’empresseront d’envoyer, via Facebook, à leurs nombreux amis.

    Sur mon banc, bercé par le brouhaha de la foule, je somnole paisiblement, ce qui est naturel à cette heure après une gardianne de taureau accompagnée d’un agréable rosé de Provence. Je n’ai pas eu le courage de pénétrer dans l’église pour aller honorer les saintes, Marie Jacobé et Marie Salomé, ainsi que leur servante Sara, la patronne des gitans. Il faut dire qu’en cette période l’atmosphère y est difficilement respirable à cause des nombreux visiteurs qui se succèdent inlassablement et des dizaines de cierges qui se consument en permanence. Ceux qui les ont déposés espèrent que les saintes exauceront leurs prières, leurs vœux, ou de simples demandes : « Saintes Maries, faites que la récolte du riz soit bonne cette année ; Saintes Maries, faites que je puisse enlever quelques cocardes à la course libre de dimanche prochain sans me faire encorner; Saintes Maries, faites que mon amoureux me soit toujours fidèle… » Ils quittent ensuite l’église apaisés et heureux. L’espoir fait vivre !

    Ma femme et le jeune couple qui nous accompagne, une petite cousine et son mari, n’ont pas hésité par contre à pénétrer dans l’église sombre et enfumée. A la sortie du restaurant, ils m’ont dit, en prenant des mines entendues : « On va faire un tour à l’église. » J’ai feint l’étonnement, mais je me doute de ce dont il s’agit : la jeune femme et son mari désirent ardemment un enfant, et l’heureux évènement commence à tarder. Ils sont donc allés prier les saintes et leur demander d’intercéder en leur faveur pour activer les choses. Ils vivent en région parisienne, sont en vacances dans le midi, et nous sommes heureux de les accueillir pendant quelques jours. Lui est ingénieur informatique, elle, professeur de mathématiques. Malgré leur formation scientifique et leur esprit cartésien, en désespoir de cause, ils se sont mis depuis bientôt une année à solliciter toutes les forces naturelles et surnaturelles réputées capables d’améliorer la fécondité : boisson de l’eau de sources dites miraculeuses, contacts intimes avec des rochers ou des arbres magiques, invocation de saints spécialisés dans la fécondité, consultations de guérisseurs réputés infaillibles… Ils espèrent ainsi éviter de faire appel à la fécondation in vitro dont la lourdeur les rebute. Mais jusque là toutes ces tentatives sont restées vaines ; même Saint Greluchon, saint très célèbre dans le sud du Berry en matière de fécondité, s’est révélé inefficace. Aussi, ma femme leur a certainement conseillé d’aller prier les Saintes Maries en espérant qu’elles voudront bien prendre en considération leur demande. Connaissant mon scepticisme à l’égard de ces pratiques, ils ont préféré ne pas me mettre dans la confidence, craignant sans doute que par quelques plaisanteries je libère des ondes négatives capables de faire capoter leur entreprise.

    Soudain une voix éraillée me tire de mes réflexions : « vie… vie… vie… » Je lève la tête et découvre une vieille femme présentant un visage recuit et parcheminé, une sorte de momie ambulante. C’est la mort en personne qui vient me chercher, pensé-je un instant. Elle a vraiment mal choisi son heure ! Par une si belle journée, alors que tout allait si bien ! Heureusement, il ne s’agit que d’une gitane et cela me rassure partiellement. Elle poursuit : « vie… vie... » Mais que veut-elle donc cette vieille peau ? Je ne vais tout de même pas lui donner ma vie pour lui faire plaisir ! A la rigueur, la bourse ? Pourtant elle insiste : « vie… ligne vie… pas cher… », en me montrant la paume de sa main. Je comprends enfin. Elle veut lire mon avenir dans les lignes de ma main, moyennant rémunération, évidemment. J’avais oublié que c’est une spécialité des gitanes. Elle sourit, voyant que j’ai enfin compris, découvrant des mâchoires largement édentées, dont les quelques dents qui restent, couronnées d’or, renvoient de vifs éclats sous le feu du soleil. Elle pense certainement avoir trouvé le bon pigeon. « Ligne vie … amour… richesse… », articule-t-elle péniblement. Tu parles ! Amour, j’ai déjà ma femme et ça me suffit bien. Richesse, j’ai assez pour vivre et que ferais-je d’une fortune ? Je n’ai aucune envie d’avoir le destin du roi Midas. Avenir, je ne veux surtout pas le connaître. Elle serait bien capable en lisant les lignes de ma main de m’annoncer quelques mauvaises nouvelles et de me casser le moral pour la journée. Pire, elle pourrait prendre un air inquiet et compatissant pour finalement me dire que, étant donné ce qu’elle voit, elle préfère ne rien dire. Sans compter que, moyennant finances, elle me proposerait certainement un remède magique pour arranger le cours de mon destin, remède qu’il me serait difficile de refuser. Il faut que je me débarrasse de cette sorcière avant qu’elle ne m’embobine complètement, aussi je la rabroue rudement : « Dégage vieille taupe ! Je ne veux pas savoir ! Je m’en fous de mon avenir ! Va chercher d’autres pigeons à plumer. » Voyant ma mauvaise humeur, elle n’insiste pas. Elle s’éloigne en marmonnant des paroles inintelligibles, zigzaguant dans la foule à la recherche d’une autre victime. Mais je sens, que de loin elle me surveille du coin de l’œil, et que je reste un gibier potentiel.

    Pour être plus tranquille et éviter une nouvelle attaque, je vais m’installer à quelques dizaines de mètres à la terrasse d’un café. Normalement, les terrasses sont interdites aux gitanes et autres vendeurs à la sauvette, les cafetiers désirant préserver la tranquillité de leur clientèle. De là, je la vois aller et venir parmi les visiteurs de l’église, disparaissant parfois, puis réapparaissant, accostant les passants sans relâche, leur proposant ses services, mais sans succès. En la voyant ainsi s’activer pour gagner un peu d’argent j’en viendrais presque à regretter de l’avoir renvoyée rudement. Après tout, c’est son gagne-pain et sa vie ne doit pas être rose tous les jours. Toutefois, je me suis toujours méfié de ceux qui disent posséder le don de voyance et s’affublent de titres ronflants comme « Monsieur Doumala, grand médium voyant ; professeur Rabamine, spécialiste des travaux occultes ; Amélia, médium de naissance et clairvoyante qui lit dans le cœur de l’âme sœur… » Je les évite donc soigneusement. Même si l’on considère leurs prédictions comme des élucubrations dont on doit s’amuser, on ne peut s’empêcher de les garder en mémoire. Une seule fois dans ma vie j’ai fait cette expérience : c’était dans une foire, avec quelques copains, auprès d’une « diseuse de bonne aventure », comme on les appelait alors. Nous étions jeunes, et l’idée de connaître ce que serait notre vie nous amusait. Je n’ai jamais oublié son nom qui figurait en grosses lettres sur son baraquement : Madame IRMA, voyante. Après m’avoir examiné la main, elle avait annoncé d’une voix caverneuse : «Vous aurez beaucoup de chance dans votre vie, vous vous marierez, vous travaillerez, vous aurez des enfants. » Rien d’exceptionnel en somme. Et comme je lui demandais si je deviendrais vieux, elle m’avait répondu avec un air préoccupé : « Au moins jusqu’à environ soixante ans, après je ne vois plus très bien. » J’étais rassuré. Quand on a douze – treize ans, soixante ans d’existence, c’est l’éternité. On a toute la vie devant soi. Le problème, c’est que maintenant, je suis arrivé à la soixantaine. Malgré les années, je n’ai pas oublié cette prédiction et je pense parfois que si elle n’avait rien vu, c’est qu’il n’y a peut-être plus rien à voir.

    Mais le temps passe et il faut que je retrouve ma famille. Je quitte la terrasse du café et retourne vers l’église. Personne… Je descends dans la nef, surpris par l’obscurité, et instinctivement me dirige vers le chœur illuminé. Dans une chapelle latérale, les saintes, Marie Jacobé et Marie Salomé, debout dans leur barque, impassibles au dessus des flammes tremblotantes des cierges, me regardent avec commisération et même une lueur de réprobation dans les yeux. Me reprocheraient-elles mon incrédulité ?

    Ils ne sont pas dans l’église. Ils doivent faire les boutiques dans la rue principale. La rue n’est pas très grande, je devrais facilement les retrouver. Je sors donc de l’église, désorienté par l’aveuglante lumière, et cherche la direction de la rue des commerces. Soudain j’entends derrière moi : « monsieur, monsieur… porte-bonheur, acheter porte-bonheur. » Je reconnais aussitôt la voix. Décidément, elle ne me lâchera pas, la vieille glu : elle a retrouvé ma trace et reprend l’offensive. « Ma petite-fille vend belle médaille… médaille porte-bonheur, pas cher, pas cher. » Je me retourne. Je suis face cette fois, non pas à une, mais à deux gitanes et, ô surprise, autant la vieille est moche à faire peur, autant la jeune est ravissante : une brunette aux yeux de braise, moulée dans une robe rouge à volants noirs, belle à faire se damner un saint. Esméralda en personne ! Subjugué, je me demande même un instant si le diable ne se cache pas dans cette divine apparition. Elle me toise effrontément et tend un joli panier en osier. Posées sur un velours noir, de petites médailles dorées à l’effigie des saintes jettent mille feux pour mieux me soumettre à la tentation. Elle accompagne son geste d’un charmant sourire qui laisse entrevoir des dents blanches, immaculées, et se termine par une petite moue boudeuse et engageante.

    - Alors, comment les trouvez-vous mes médailles ? dit-elle d’une voix suave. Elles portent bonheur… et si vous faites un vœu, il sera exaucé, vous pouvez en être sûr. Vous m’en prenez une ? Vingt euros seulement !

    Revenu sur terre, je contemple ces médailles de pacotille, probablement fabriquées en Chine, qui ne doivent pas avoir de grands pouvoirs si ce n’est dans l’imagination. Mais elle me fixe toujours avec son sourire enjôleur et insiste :

    - Vous m’en prenez une ? Elles éloignent le mauvais sort…

    J’hésite. Si je m’écoutais, je prendrais tout le panier et la vendeuse avec. Mais seules les médailles sont à vendre.

    - Alors, vingt euros seulement ?

    Je faiblis.

    - Vingt euros seulement…, tout juste le prix d’un repas au restaurant et du bonheur garanti.

    Je sens que je vais craquer, mais je résiste encore. Après quelques secondes d’incertitude, non par superstition mais par amour de l’humanité, voilà une bonne excuse à ma faiblesse…, je craque.

    - Allez, donnez m’en une. Voici vos vingt euros.

    Elle triomphe.

    - Vous verrez, vous ne le regretterez pas ! Elles ont beaucoup de pouvoir mes médailles. Elles sentent ce que l’on désire même si on ne leur demande rien, insiste-t-elle avec un brin de moquerie dans la voix.

    La garce, elle a un sacré culot. Maintenant qu’elle a fait affaire, elle se fiche ouvertement de moi. Je regarde la vieille. Elle m’adresse un sourire narquois qui semble dire : tu vois, tu faisais le malin mais tu t’es quand même bien fait avoir. On en a maté d’autres, et de bien plus coriaces. Puis toutes deux s’éloignent en palabrant joyeusement.

    En les regardant disparaître dans la foule, l’une dans la fleur de l’âge, l’autre usée par le poids des années et qui devait ressembler à sa petite-fille autrefois, je ne puis m’empêcher de penser que la nature est vraiment inconséquente, qui produit de si belles créatures pour les laisser ensuite se dégrader inéluctablement.

    J’examine la médaille. Suivant son orientation par rapport au soleil, elle s’illumine comme irradiée par une sorte d’énergie céleste. Après tout, pourquoi n’aurait-elle pas de pouvoir magique ? Et si elle n’en avait pas, j’aurais toujours la satisfaction d’avoir fait plaisir aux deux bohémiennes. Je la glisse dans ma poche et décide quand même de ne pas parler de mon achat : qu’un incrédule se soit laissé aller à acheter un porte-bonheur, cela pourrait prêter à moqueries. Ma femme et nos cousins ne s’en priveraient pas.

    D’ailleurs, je les vois qui arrivent encombrés de quelques paquets et présentant la mine réjouie des gens satisfaits de leurs trouvailles. J’attaque, moqueur :

    - Je suis sûr que vous êtes allés faire vos dévotions à l’église.

    - Bien sûr, reprend ma femme, mais ce n’est pas tout.

    Je commence à m’inquiéter :

    - Comment cela, ce n’est pas tout ?

    Ils me montrent leurs emplettes : notre cousine a acheté une robe d’arlésienne, son mari, un pantalon de gardian, et ma femme, une énorme cigale en céramique pour décorer la maison. Elle a sans doute voulu me faire plaisir en pensant, qu’après notre retour dans la région parisienne, lorsque le ciel sera gris et pluvieux, elle me rappellera le soleil du midi.

    - Et puis, il y a aussi cette médaille. C’est un porte-bonheur.

    Dans le creux de la main notre cousine me présente une petite médaille dorée avec le profil des deux saintes. Je la reconnais immédiatement et m’exclame :

    - Ce n’est pas possible ! Vous vous êtes bien fait avoir !

    - C’est deux gitanes qui nous l’ont proposée en affirmant qu’elle va nous porter bonheur. Pour vingt euros, je n’ai pas pu refuser et j’ai fait le vœu d’avoir un enfant.

    - Comment peut-on croire à de telles balivernes à notre époque ? m’exclamé-je. Mais, voyant sa mine déconfite, pour ne pas gâcher son plaisir, j’ajoute aussitôt :

    - Après tout, tu as eu raison de la prendre. Si cela ne fait pas de bien, cela ne peut pas faire de mal. Et puis, sait-on jamais ?

    L’après-midi se termine agréablement par une promenade en bateau. Après avoir longé la côte sablonneuse, l’embarcation pénètre dans l’embouchure du Petit Rhône et remonte le fleuve. Pendant quelques kilomètres nous avons tout loisir d’admirer la terre sauvage de Camargue, née de la rencontre des eaux douces de la terre avec l’eau salée de la mer. De temps en temps, parmi les touffes de saladelles et de salicornes, apparaissent des taureaux et des chevaux, isolés ou en petits groupes, tandis que des vols de flamants roses viennent compléter ce décor des milliers de fois reproduit sur les cartes postales. Par moment, le pilote coupe le moteur et le bateau glisse alors silencieusement sur l’eau en ralentissant. C’est l’occasion d’admirer tantôt un héron cendré, tantôt un ragondin, plus rarement une aigrette, qui cherchent leur nourriture entre les tamaris et parmi les roseaux. Quelle paix après l’agitation tumultueuse de la ville !

    Je repense aux gitanes. Elles doivent poursuivre leur activité d’arnaque auprès des touristes qui ne demandent qu’à se laisser tenter. Cela fait partie du folklore. Le scénario, bien huilé, va se poursuivre jusqu’aux derniers beaux jours, puis, après la période estivale, les rues se videront, la plupart des commerces fermeront, et la ville retrouvera sa sérénité.

     

    Quelques semaines passent. Voici l’automne. Les belles journées d’été ne sont déjà plus qu’un souvenir. Nous téléphonons de temps en temps à notre cousine pour prendre des nouvelles : L’heureux évènement tant attendu n’est toujours pas là. C’est à désespérer…

    Parfois je lui rappelle que toutes les solutions n’ont pas été envisagées et qu’il reste encore la possibilité de faire appel à la médecine. En effet, les FIV sont actuellement de plus en plus utilisées avec succès pour remédier aux problèmes de stérilité : une proposition qui la laisse de marbre et qu’elle ne veut toujours pas envisager.

    Finalement, il ne sera pas nécessaire d’en passer par là ; comme quoi il ne faut jamais désespérer… C’est courant novembre que nous parvient par téléphone la bonne nouvelle. Notre cousine, émue et joyeuse, nous l’annonce : elle est enceinte ; les tests de laboratoire l’ont nettement confirmé. Je lui rappelle en plaisantant que c’est certainement grâce aux Saintes Maries, et nous en rigolons, heureux de repenser à cette bonne journée de détente au bord de la mer. Elle doit passer une échographie dans une quinzaine de jours qui permettra de vérifier si tout est en ordre et de mieux fixer le début de la grossesse. J’admire cette technique : pouvoir déjà distinguer un petit corps, sa tête, ses membres, les battements du cœur, parfois des premiers mouvements, tout un début de vie en gestation, pour moi, c’est magique.

    Le jour de l’examen nous attendons impatiemment le résultat. Notre cousine nous appelle en fin d’après-midi. Tout de suite elle nous tranquillise : il n’y a pas de souci à se faire, tout est normal. Toutefois, au son de sa voix, nous la sentons préoccupée. Tout va très bien, mais… mais il y a une surprise. La surprise, c’est qu’elle attend non pas un, mais deux enfants. Des jumeaux ! Nous en restons bouche bée d’étonnement.

    Subitement, je me souviens de la médaille qu’elle avait achetée aux gitanes, puis de la mienne, que j’avais complètement oubliée au fond de la poche de ma veste. Tout s’éclaire : un plus un égale deux. C’est l’évidence ! La logique est respectée.

     

    Et la lumière fut : moi, l’incrédule, qui ne croyait qu’à ce qu’il voyait, mais qui ne voyait peut-être que l’apparence des choses, j’étais ébranlé. N’était-il pas possible que, là où l’on ne pouvait voir qu’une simple coïncidence, il y eût un signe qui me soit adressé, un signe destiné au sceptique que j’étais, qui, pensant détenir la vérité, n’avait pas pris conscience de son aveuglement ? C’est avec cette interrogation que je repensais aux Saintes Maries : n’avaient-elles pas voulu m’envoyer un message pour me faire comprendre que tout n’est pas aussi simple qu’on peut parfois le croire et me faire douter de mes certitudes ?

     


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  • par Aimé Lamouroux

    2016

    Je suis un vieux chat, un chat paresseux et indolent. J’ai tout pour être heureux : un logis confortable et bien chauffé, un couffin douillet placé sur fauteuil moelleux d’où je peux observer les allées et venues des uns et des autres, une nourriture abondante et bien choisie, des maîtres à mes petits soins, qui sont pour moi des serviteurs dévoués et zélés, attentifs à mes moindres caprices…, et pourtant j’ai le blues. Je m’ennuie. Je m’ennuie car je ne sais pas quoi faire. Les journées passent les unes après les autres, interminables. Alors je dors ; souvent complètement, parfois que d’un œil, et quelquefois je rêve, heureusement.

    Je suis arrivé dans cette maison à l’âge de trois mois. Je venais d’un élevage de la région parisienne. On m’avait offert comme cadeau d’anniversaire à un jeune garçon qui venait d’avoir dix ans et à sa grande sœur d’environ douze ans, les enfants de mes maîtres. Je m’étais très vite adapté à ce nouvel environnement, si bien qu’après quelques semaines je me sentais complètement chez moi et j’étais très heureux.

    La vie était belle en ces temps là. J’étais jeune, gai, insouciant, vif comme la poudre. Je courais, sautais, grimpais aux arbres, et ignorais la fatigue. Les enfants jouaient souvent avec moi. La jeune fille me prenait dans ses bras, me caressait, et parfois me faisait des plaisanteries, comme celle de me mettre les chaussons de ses poupées pour me transformer en chat botté. Cela m’énervait un peu, mais en même temps cela m’amusait. Avec le jeune garçon c’était différent : il me faisait courir après des boulettes de papier qu’il lançait sur le pavé du séjour ou la terrasse de la maison, derrière lesquelles je me lançais à toute vitesse. Il se plaisait aussi à me faire sauter après un papillon en papier fixé à l’extrémité d’une fine baguette de bois qu’il agitait devant moi afin que je l’attrape. J’aimais bien, mais ce que je préférais c’était le bouchon attaché à une ficelle qu’il tirait à petits coups pour me faire croire que c’était une souris. Me laissant prendre au jeu, je bondissais alors et le saisissais entre mes pattes, toutes griffes sorties, comme s’il s’agissait d’une vraie proie. C’était toujours les mêmes jeux mais je ne m’en lassais pas.

    Lorsque j’étais seul, j’allais dans le jardin et j’essayais d’attraper tout ce qui passait à ma portée : papillons, bourdons, mouches…, mais c’était difficile, surtout les mouches qui étaient insaisissables. Par contre je capturais très facilement les petits animaux qui vivaient sur le sol, en particulier les petits lézards et les jeunes souriceaux sans méfiance dont je me régalais. Quant aux oiseaux, ils se méfiaient et se tenaient toujours hors d’atteinte.

    Deux années de pur bonheur.

    À l’âge de deux ans j’étais devenu un jeune chat vigoureux. J’allais, je venais dans tous les coins du jardin. C’était mon territoire. Il commençait à être un peu juste pour moi, si bien que de temps en temps j’entreprenais des sorties dans le voisinage. À chaque virée je m’enhardissais et j’allais de plus en plus loin, prenant tous les risques quand je traversais les rues sans crainte des bolides qui n’auraient pas ralenti pour me laisser passer. Il faut dire que, quelques maisons après la nôtre, j’avais rencontré une jeune chatte adorable qui me faisait les yeux doux et à qui je faisais le joli cœur. Elle m’attirait irrésistiblement, aussi je passais tout mon temps auprès d’elle. Je ne rentrais chez moi que pour prendre mes repas, très rapidement, et repartais aussitôt la retrouver au grand désespoir de mes maîtres inquiets. Nous avons vécu ensemble des moments très forts, surtout pendant ces nuits de pleine lune qui exaltent le plaisir des sens et rendent l’âme romantique. J’ai ainsi découvert les merveilleuses sensations qui secouent le corps et laissent épuisé mais heureux.

    Mais je n’étais pas le seul chat du quartier. D’autres que moi avaient découvert ma douce amoureuse. Hélas, elle se révéla vite infidèle et bientôt pour la retrouver il me fallut en découdre. Quand je me trouvais face à face avec l’un de ses prétendants l’affrontement était inévitable. On commençait par se toiser pour montrer notre détermination, ensuite on s’insultait avec des miaulements rageurs, et enfin on se jetait l’un sur l’autre. Les combats étaient acharnés, les empoignades très rudes. Pour montrer qu’on était le plus fort, il fallait saisir l’adversaire à pleines dents par la peau du cou et le maintenir à terre jusqu’à ce que, enfin soumis, il se retire et cède la place. Je sortais de ces combats souvent vainqueur, parfois vaincu, mais j’étais toujours prêt à recommencer. C’était ainsi, je n’y pouvais rien, quelque chose en moi m’ordonnait de le faire. Je devais être le plus fort si je voulais obtenir les faveurs de ma belle conquête.

    Toutefois, mes maîtres, voyant dans quel état déplorable je revenais, se sont inquiétés. Un jour une blessure au niveau de mon cou s’est infectée ; du pus s’écoulait de l’abcès qui s’était formé et je n’étais pas beau à voir. Ils m’ont donc amené chez le vétérinaire. Celui-ci m’a soigné, mais je ne me suis rendu compte de rien car j’ai perdu conscience sous l’effet d’une mystérieuse piqûre qui m’a endormi rapidement. Quand je me suis réveillé j’avais un énorme pansement au cou et une collerette en plastique qui me gênait beaucoup. Je devais être ridicule. Il n’était plus question pour moi de parader devant ma compagne volage. D’autres allaient occuper la place.

    Mes maîtres sont venus me chercher en fin d’après-midi. Le vétérinaire avait l’air satisfait de son travail. Il leur à même proposé ses services pour une petite intervention complémentaire, je ne sais pas quoi au juste. J’ai seulement retenu une courte phrase : « il faut le castrer, ça le calmera ». Je n’ai pas compris car je n’avais pas l’impression d’être particulièrement agité.

    J’ai donc subi cette deuxième intervention une quinzaine de jours après et, c’est vrai, elle a changé ma vie ; elle l’a même bouleversée. Je me suis senti devenir plus tranquille, plus apaisé, presque apathique, complètement débarrassé de cette sensation permanente du devoir à accomplir. Finies les courses folles dans le voisinage, finis les battements de cœur qui me faisaient tant vibrer, finies les attentes interminables auprès de l’ingrate qui m’avait déjà oublié… J’ai encore tenté quelques sorties par habitude, mais le cœur n’y était plus. Je ne mettais plus assez d’ardeur au combat et je n’avais plus le dessus. Aussi je n’ai bientôt plus quitté l’environnement proche de la maison et mon territoire s’est réduit comme peau de chagrin.

    Le bon temps était terminé.

    Quelques années ont passé. Je me suis habitué à cette vie douce et ennuyeuse. Les enfants sont partis faire des études à Paris et la maison a perdu son animation. Ils ne reviennent que de temps en temps mais ne s’intéressent plus à moi ; ils ont d’autres choses à penser.

    Quand il fait beau je m’installe sur le rebord de la fenêtre et je contemple les alentours de la maison d’un œil indifférent. Quelques oiseaux, rassurés par mon immobilité, viennent sautiller à proximité de ma gamelle, mais je n’ai pas le courage de bondir pour les saisir. Parfois un jeune chat s’aventure dans mon domaine, inspecte les restes de mon repas et les mange sans vergogne. Je devrais le rosser cet impudent blanc-bec, histoire de lui apprendre à vivre, mais je le laisse faire. Quand vient le soir, je ne pars plus à l’aventure. Je rentre et je m’installe sur le fauteuil qui m’est réservé dans le salon. Je m’endors et je rêve. Je rêve que je suis jeune et beau, que la vie m’appartient, que je suis le roi des chats du quartier, que de belles chattes langoureuses m’attendent et me désirent…

    C’est hélas au meilleur moment de mon rêve que ma maîtresse vient me caresser et me réveille. « Alors il dort mon gros matou… Viens, ta pâtée est prête, tu dois avoir faim », me dit-elle. Je me lève péniblement à cause de mon embonpoint et me dirige vers le repas qu’elle m’a préparé. Je mange pour lui faire plaisir et pour l’entendre dire une nouvelle fois : « Il avait faim mon gros chat, il s’est bien régalé. » Puis elle s’assoit sur son relax pour une soirée devant la télé et m’appelle : « Viens avec moi, tu es le plus beau et le plus gentil des chats. » Je m’installe sur ses genoux et elle me caresse tendrement. Je ronronne pour la remercier et parce que je suis bien. Et puis, quand elle me regarde, je vois dans ses yeux tout l’amour qu’elle a pour moi et je sens qu’elle me comprend ; cela m’apaise et me réconforte.

    C’est vrai, je m’ennuie ; mais c’est quand même bon d’être aimé et chouchouté.

     


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