• Nadine Foissotte

    6 décembre 2017

     

    Je suis libre
    Comme la feuille qui danse sous l’alizé
    Comme la fumée qui s’élève du foyer

    Tu es libre
    Comme les nuages détalant dans le ciel    
    Comme l’enfant aux cheveux couleur de miel

    Elle est libre
    Comme le voile enlevé, son choix assumé   
    Comme le corps dénudé prêt à s’exposer
     
    Nous sommes libres
    Comme les vagues qui dansent sur l’océan
    Comme les étoiles luisant au firmament

    Vous êtes libres
    Comme le chaud soleil protecteur des moissons
    Comme la neige nous offrant ses blancs flocons
     
    Ils sont libres
    Comme l’esclave enfin délivré de ses chaînes  
    Comme tous les hommes libérés de leurs haines  
     


    …Etre libre
    Comme le bel oiseau sorti de sa cage
    Comme les mots qui gambadent sur ma page
     


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  • Jean-Pierre Leguéré

    6 décembre 2017

     

    C’est donc cela être mort ? Se retrouver en sa seule compagnie, sans personne avec qui parler, condamné au soliloque ? À vrai dire, j’ai connu bien des vivants dans la même situation, quelques égrotants, mais aussi bien des freluquets, enfermés dans un triste ménage ou, pire encore, retenus d’approcher l’Autre.
    Quand même, je ne pensais pas finir comme ça… Ma dépouille allongée dans l’herbe, une dépouille à deux balles. Oui, deux balles tirées par je ne sais qui. Mon dernier souvenir, c’est juste ces deux détonations. Je ne me suis pas rendu compte que je passais définitivement d’un état à un autre. Comment ai-je donc été assassiné ? Où quand, qui, comment, pourquoi ? De ces injonctions journalistiques pour relater un fait divers, je ne connais de réponse que le où ; bien sûr, la situation fait que j’ai pris de la hauteur, mais tout de même, j’aimerais posséder les autres réponses. Nullement par esprit de représailles ou de vengeance, pas plus par goût du châtiment, ni parce que je serais épris de justice. Non, juste, par curiosité, c’est tout. Je dois pourtant m’avouer à moi-même qu’un nom m’est venu tout suite à l’esprit :  Antoine… Mais je m’en veux de cet immédiat soupçon. Il y a tant d’autres possibilités.


    J’aime Fabienne, mais, pour les raisons mêmes qui faisaient que j’en étais tombé amoureux, bien d’autres en sont venus à la désirer : ses longues jambes, ses formes rondes et longues tout à la fois, ses cheveux, bruns et courts sous la casquette, sa gouaille et puis cet air gavroche qui rappelait Jeanne Moreau dans « Jules et Jim ». Et comme Fabienne aimait être aimée, elle en a mis quelques uns dans son lit, enfin, dans notre lit. Lit conjugal, appelons-les choses par leur nom. J’étais ulcéré bien sûr mais j’ai fait moi aussi quelques anicroches à nos vœux de fidélité. Du coup chacun tenait l’autre par la barbichette. Nous n’étions pas vraiment jaloux, nous savions intimement que ce n’était de part et d’autres que passades. Pourtant, avec l’arrivée d’Antoine, il s’est passé quelque chose. J’ai ressenti que je devenais de trop. Antoine ? Peut-être…


    La nuit venait de tomber. Comme tous les soirs, Tom et Lulla, nos deux épagneuls, étaient dehors, dans le parc de la propriété. Brusquement, ils se sont mis à gronder puis aboyer furieusement. Nous les entendions très bien parce que nous étions tous les deux dans le salon silencieux ; moi, je lisais dans mon fauteuil un roman polar de Gardner, "Chantage à l’œil" dont je ne connaitrai jamais la fin ; ma femme, assise au bureau, faisait les comptes ; c’est qu’elle aime l’argent, Fabienne ! Et nous en avons. Et même beaucoup, c’est fou tout ce dont nous avons hérité… Ça a fait des envieux, voire des ennemis, de toute sorte ! Y compris dans la famille, du moins sa famille à elle… Nous nous sommes regardés,  Fabienne et moi. Elle m’a dit, je m’en souviens bien, elle m’a dit d’une voix pressante, mais presque basse, comme pour ne pas effaroucher l’éventuel intrus : « Hugo, faut voir… Y a quelqu’un dans le parc ».


    Je suis sorti ; effectivement j’ai vu une ombre furtive près du grand chêne, là où se trouve mon corps maintenant. Je ne peux pas dire que j’ai vu distinctement l’assassin. Un homme, j’en suis presque sûr ; avec sur la tête un bob, du moins il me semble ; de la taille d’Antoine, peut être. Je ne pourrais témoigner de rien de concret, de probant. Je pourrai juste inventer un peu, par jalousie, pourquoi pas ?  Mais personne, bien sûr, ne me demandera rien.


    Les premiers qui sont venus près du chêne, près du cadavre en fait, ce sont les chiens. Ils se sont tus, m’ont flairé et puis se sont couchés près de moi. Ce n’est que longtemps après que Fabienne est arrivée, son portable à la main. Me voyant à terre, elle a hésité, comme si elle n’osait pas toucher ce corps qu’elle avait si souvent pressé, cajolé, caressé. Finalement, d’un geste décidé, elle a mis le portable dans sa poche ; elle a pris ma main gauche, puis mon poignet pour chercher le pouls. Qu’elle n’a pas trouvé. Alors elle est allée poser sa main sur ma veine jugulaire. Là, elle a compris, elle a murmuré : « Seigneur !» et puis encore un peu plus fort « Mon Dieu, mon Dieu ! » et elle repartie vers la maison telle une ombre fuyante. Les chiens sont restés.


    J’aurais préféré un peu plus de passion, qu’elle prenne mon corps à peine refroidi dans ses bras, qu’elle embrasse mon visage, qu’elle dépose un dernier baiser sur mes lèvres. J’ai toujours été comme ça, dans l’espoir des effusions. Et presque toujours déçu, justement parce que j’en espérais plus et plus encore et que cela faisait fuir les mieux disposées.


    La suite est aisément prévisible, tout le monde la connaît par cœur. La télévision en donne une représentation, parfois même plusieurs, chaque soir. Jusqu’à l’écœurement.  Fabienne téléphonera, puis arriveront les voitures de flics, l’ambulance qui emportera ma dépouille à la morgue, le commissaire qui énoncera des hypothèses…Ah le proc ! Ce sera sans doute Bonnichon, un type un peu sec, arrogant, mais pas avec moi : il ne peut oublier que nous sommes allés à l’école ensemble et qu’à l’époque on le surnommait Belle Mamelle ! Ça va lui faire tout drôle cette dernière rencontre… Il y aura aussi les techniciens de la crime et  le légiste et les photographes, et puis ce lieu de toutes les bêtes fascinations : la scène de crime. Je vomis ces kilomètres de film, ces heures de dialogues poussifs, ces lieux communs de l’humaine conjugaison... Pourtant, c’est de cette boue là que sortira sans doute un jour le nom de mon assassin ou ceux de mes assassins. Et si c’était Antoine et Fabienne, tous les deux ? Ignoble pensée, à chasser… À chasser tout de suite ! Mais qui alors ? Qui ?


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  •  par Pascal

    27 juillet 2017

     

    Matin gris.

    Je n'arrive pas à sortir du lit.

    La cloche de l'église égrène les quarts d'heure.

    Le chat ne supporte pas bien cette déprime,

    vire, saute et vient me relancer,

    à petits coups de tête.

    Va t elle m'écrire ?

    Va t elle m'appeler ?

    Je le caresse interrogateur.

    Il me regarde dépité,

    saute du lit lançant un petit « viens ! »,

    car c'est un chat extraordinaire.

    Je me lève.

    Vais petit-déjeuner...

    Après avoir rempli sa gamelle.

     

    Matin bleu,

    je bondis hors du lit,

    le chat surpris détalle, part en dérapage,

    heurte le chambranle de la porte,

    je le course, pars à ses trousses,

    pas d'issue, il panique,

    j'ouvre la porte, il file dans le jardin

    dans le soleil déjà chaud de juillet

    pourchasse à son tour un papillon blanc.

    Pas de petit-déjeuner,

    j'ai un message à envoyer

    à ma bien aimée,

    un verre d'eau fraîche

    fera l'affaire,

    mais d'abord la gamelle du matou

     


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  •  par Pascal

    21 juillet 2017

     

    Sur l'arête du présent
    entre le néant du passé passé
    et le néant du passé futur
    J'attends

    J'attends au présent évidemment
    entre j'attendais imparfait parfaitement révolu
    et j'attendrai futur simple simplement utopique
    J'attends

    Sur l'arête du présent je te vois passer.
    Entre nos présents : nos passés passés
    et entre nos futurs : nos lectures
    On s'attend

    A l'instant où nos présents s'imbriquent
    le ciel s'embrase
    Nos corps incandescents rayonnent sur l'univers
    et c'est le monde à l'envers...
    Le présent Nous attend

     


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  • Jean-Jacques Vollmer

    17 novembre 2017

     

    Clovis, quand il avait sept ou huit ans, se regardait souvent dans le grand miroir ovale situé sur la porte de l'armoire, dans la chambre de ses parents. Il se regardait de face, puis tournait la tête à droite, puis à gauche, pour se voir de profil, mais il n'y arrivait pas bien. Parfois, il prenait aussi le miroir de poche dans le sac de sa mère, et en se contorsionnant, tentait de voir à quoi ressemblait sa nuque, comme chez le coiffeur, mais ça ne donnait rien. Il avait essayé aussi de se regarder le dos, le derrière des mollets et des cuisses, le dessous les bras, mais il n'y avait pas grand chose d'intéressant dans ces coins là.

    C'était curieux, quand même, de pouvoir observer tout le monde sous tous les angles, et de ne jamais pouvoir le faire pour soi. On connaît bien les gens, se disait-il, il n'y a que soi-même qu'on ne voit pas, ce n'est pas normal. On se croiserait dans la rue qu'on ne se reconnaîtrait pas...

    Il reportait alors son attention sur son visage, et faisait la moue. «  Je ne suis pas beau, se disait-il, Roger est bien plus beau que moi. Il a les cheveux longs et une grande mèche, moi j'ai un épi court sur le devant, qu'est ce que c'est moche ! » Pour lui, c'était un jugement dans l'absolu, il n'en était pas encore à l'âge où on se préoccupe de son corps et de la mode pour séduire les filles.

    Les jours où il ne pensait pas à cela, il s'amusait devant la glace, faisant des grimaces, les doigts dans la bouche pour retrousser ses lèvres et montrer ses dents, puis les mains derrière la tête pour faire bouger ses oreilles, sans succès. Ou encore il louchait et faisait rouler ses globes oculaires dans leur orbite, ça le faisait rire tout seul. Mais il ne le faisait jamais dehors, devant les autres, il avait peur de paraître ridicule.

    Un jour, chez le coiffeur, il observait dans le miroir l'homme manipuler les ciseaux et le rasoir, et sa curiosité l'amena à lui poser une question : « Vous êtes gaucher, Monsieur ?». Il n'avait encore jamais vu de gaucher. Le coiffeur jugea la question stupide et lui mit sous le nez sa main munie des instruments, et c'était la main droite ! Cela plongea Clovis dans un abîme de réflexion : comment une main droite pouvait-elle bien se transformer en main gauche quand on la regardait dans la glace ? Cette affaire le tourmenta longtemps, car personne ne put lui donner d'explication satisfaisante. C'était comme ça, voilà tout, cela faisait partie des choses innombrables qu'il fallait accepter sans discuter, comme le bleu du ciel (pourquoi pas vert, ou rouge, après tout) ou le fait qu'on a deux yeux et pas trois. Dans un miroir, le sens est inversé, un point c'est tout, inutile de perdre son temps à se demander pourquoi.

    A cette époque, il lut aussi « Alice au pays des merveilles », et d'autres questions lui vinrent à l'esprit. Alice traversait le miroir ! C'était idiot, bien sûr, il voyait bien qu'il n'y avait rien derrière la porte de l'armoire (il avait quand même vérifié...), mais comment se faisait-il qu'on voyait dans la glace une autre pièce, presque la même, avec juste la droite devenue la gauche. Où était-elle ? Certes, on ne pouvait pas y aller, ni toucher les objets qui s'y trouvaient, mais on voyait bien quelque chose, et si on le voyait, c'est que ça existait quelque part !

    Bien plus tard, quand il étudia les lois de l'optique et les propriétés de la lumière, il comprit un certain nombre de choses. Mais pas tout. La science donne parfois quelques explications, mais ne répond jamais aux interrogations fondamentales, celles qui demandent toujours pourquoi l'univers est comme il est et pas autrement. Et elle ne dit pas non plus pourquoi Roger, dans le miroir, était plus beau que lui...

     


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