• Il y a des jours...

    par Roger Korbel

    29 Décembre 2014 à 23:06

     

    Il y a des jours qui ont passé comme d'autres, dont je me souviens délicieusement, comme cette matinée à la fin de l'été, où, voyageur solitaire au bout du lac d'Annecy je me suis arrêté. Assis, émerveillé par tant de splendeur, eau calme, limpide, à peine troublée par quelques barques de pêcheurs. Dans le lointain, je vois l'immensité des monts et sommets parfois déjà enneigés. Au bord du lac, j'aperçois les riches demeures de propriétaires fortunés, résidences à peine visibles mais faciles à deviner.

    Comment ne pas invoquer ce jour d'hiver ! Dans ma rue tombe la neige en gros flocons serrés, je revois la joie des enfants faisant des bonhommes de neige qu'ils ont coiffés d'une casquette usagée, le nez rouge fait d 'une carotte chipée dans la réserve de la maison ; sur le côté ils ont planté un balai fait de branches de coudrier. Je les vois encore, bombardant de leurs boules de neige quelques passants scandalisés par cet affront, en soi pas bien méchant.

    Je me souviens de ce chevreuil aperçu dans le clair obscur d'un petit matin d'automne, à l'orée du bois près des maisons, me regardant venir vers lui, puis, en un instant, disparaître a tout jamais.

    Comment ne pas évoquer les rivières où je me laisse glisser en silence dans les eaux calmes, surprenant à la faveur d'un détour la poule d'eau effarouchée, vite cachée dans les roseaux. Parfois, surprendre le ragondin plongeant vite dans les fonds à l'abri des regards indiscrets. Ensuite, la fureur des eaux, force vive qui m'oblige à éviter les rochers submergés, alors il me faut pagayer de toutes mes forces pour ne pas chavirer.

    Comment ne pas évoquer les moments intenses de bonheur quand, avec mes compagnons, on nage dans l'onde fraîche de l'immensité océane après une dure journée de navigation sur un voilier.

    Cependant les rivières de ma vie ne sont pas faites que d'extase devant des paysages idylliques. Je garde dans ma mémoire vive le premier sourire de mes enfants à leur mère, le visage d'un mendiant à qui je donne une modeste pièce de monnaie, expression de reconnaissance que l'on garde à jamais dans son coeur. C'est aussi ce moment vibrant, que d'un regard furtif l'on a saisi, celui de deux êtres qui se rencontrent pour la première fois, et qui cependant les unit pour un jour ou une vie. Celui où l'on vient rendre visite à un ami gravement malade, lui dire d'un air confiant qu'il guérira, voir l'espoir naître dans ses yeux, alors que l'on sait lui et moi qu'il n'en est rien, que demain il ne sera plus là, mais que dans mon coeur, à jamais il restera. L'instant inoubliable quand notre main vient secourir la pauvre bête qui crève de faim.

    Comment, pour terminer, ne pas invoquer notre pensée qui fait de nous chaque jour, des dieux ou des assassins, heureusement qu'il n'en est rien.

    Les instants merveilleux que je nomme les rivières de ma vie brillent pour moi comme des diamants, qu'il en soit toujours ainsi.


  • Commentaires

    1
    louis-Marie Roussies
    Vendredi 2 Janvier 2015 à 11:28

    C'est un superbe texte qu'il nous donne en cadeau le jour de sa disparition!

    On y trouve une grande sensibilité. Il  savait saisir la beauté des choses et les êtres qui l'entouraient!

    Merci

    Louis-Marie

     

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    2
    Eliane
    Samedi 3 Janvier 2015 à 18:08

    On ne peut retenir ses larmes en pensant à l'ami et aux rivières de sa vie qui courront en nous sans jamais tarir ! ! !

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