• par Louis-Marie Roussiès

    15 juin 2023

     

    A quelques mètres de notre maison en Vendée se trouve le « marais à poissons ». C'est un lieu unique, préservé, qui offre une perspective sur des champs, des petits lacs et de multiples fossés dans lesquels pénètre l'eau de la mer qui fait descendre ou monter leurs niveaux en fonction des marées. Les poissons qui suivent le courant tombent dans un système d'entonnoir, qui les piège et les empêche de remonter. Les propriétaires (nombreux) n'ont plus qu'à les attraper avec des épuisettes. Tous ces poissons font aussi le régal de nombreux oiseaux au long bec.

    Sur les terres du marais riches et fertiles pousse de l'herbe, du blé, du maïs. En y pénétrant on ressent un grand calme en même temps que l'on devine une vie cachée de multiples insectes aquatiques.

    Mais c'est aussi un endroit remarquable pour les oiseaux. Toute l'année on voit des hérons cendrés, des cigognes, des mouettes... Je suis toujours un peu impressionné par le départ lourd du héron cendré avec ses grandes ailes déployées, son cou replié, et ses longues pattes tendues ; mais aussi le ballet des mouettes et des goélands infatigables, au-dessus des petits lacs, captive ma vue. Les grandes cigognes y passent avant leur migration mais j'ai l'impression que beaucoup restent sur le lieu. D'autres oiseaux viennent ici que je n'ai pas encore eu la chance de voir : la bécassine des marais, très élégante, qui s'élève et plonge tout à coup, ailes et queue déployées ; le martin pêcheur, une flèche qui fend l'air après avoir observé sur un piquet le moindre mouvement dans l'eau ; la barge qui change la couleur de son plumage selon les saisons, brun gris en hiver, roux en été. La liste serait longue encore : le vanneau, le busard, la sarcelle etc...

    Tous ces oiseaux ont de longs becs, se nourrissent de poissons, d'insectes, d’herbe....

    J'aime m'y promener, il ouvre un espace, unique, foisonnant de vie.

    Le marais à poissons

    Bécassine des marais

     

     


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    par Louis-Marie Roussiès

    novembre 2019

    Vernouillet s’étend sur deux plateaux qui dominent la ville de Dreux. Son cœur est occupé par un site naturel préservé, en partie classé en zone inondable : la vallée de la Blaise. Elle offre un espace de verdure alternant la prairie avec des parcelles cultivées. On est agréablement surpris par son petit centre-ville, champêtre, favorable à la promenade et aux échanges, aux creux d’anciens marécages,  pourvu de son Eglise « St Sulpice » dont les origines remonteraient au 12ème siècle, d’un centre culturel « l’agora », d’une piscine municipale et d’une bibliothèque.

    La ville très étendue est malheureusement traversée par une quatre voies, sonore, polluante, qui crée une partition du territoire par endroit. Mais de nombreux projets sont en cours pour favoriser l’échange entre les quartiers.

    Un apport culturel remarquable est offert aux habitants :

    • Un atelier à spectacles : lieu ambitieux de création artistique, de formation d’acteurs, ouvert aux jeunes des écoles, et qui présente une quarantaine de spectacles par an.
    • Une salle municipale « l’Agora » qui accueille tous types de manifestations : des concerts, des repas dansants, des expos, des cérémonies diverses.
    • Une bibliothèque municipale : lieu de rencontres, d’échanges avec des expositions, des conférences, des clubs de lecture, des rencontres d’artistes…

    En outre, la proximité de Dreux, voire son imbrication par endroits, enrichit considérablement l’apport culturel de Vernouillet : 

    - L’université du temps libre avec une quarantaine de cours et d’ateliers

    - La médiathèque de l’agglomération

    - Le théâtre en centre-ville avec une trentaine de spectacles.

    - Un cinéma de 12 salles.

    - Une grande librairie.

    Habiter Vernouillet, cinquième ville du département d’Eure et Loir, est un privilège, offrant à tous un parfum de campagne et une possibilité unique de se cultiver.

     


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  • par Louis-Marie ROUSSIES

    2019

     

    Il était une fois, au milieu des marais, de pauvres paysans qui cultivaient quelques lopins de terres (des mottes)* séparés les uns des autres par de grands fossés remplis d’eau pendant l’automne et l’hiver. Ils se déplaçaient en barque. Le père, la mère et leurs six enfants habitaient dans une hutte* (cabane en bois)

    Cet hiver-là était très froid et le bois venait à manquer. La mère dit à son époux : «  Nous ne pourrons pas survivre, il fait trop froid et la nourriture vient à manquer, il faut rejoindre le village le plus proche » Les enfants recroquevillés dans un coin de la cabane approuvent de la tête « Il faudra faire plusieurs tours, sinon la barque va chavirer, murmure le père.  Et là-bas nous ne connaissons personne où vais-je les mettre par ce grand froid ? » « Tu trouveras bien un abri, ce sera toujours mieux qu’ici crie la mère, on meurt de froid et on commence à avoir les pieds dans l’eau »

    L’expédition dans les fossés fut laborieuse, dangereuse, plusieurs fois le bateau faillit chavirer. Une chance car personne ne savait nager.

    Ils arrivent au village, se regroupent dans une auberge remplie d’hommes qui se moquent d’eux  « Regardez ces gens tout dépenaillés… Ils sentent mauvais… Ils vont nous apporter leurs maladies… Ils vivent comme des sauvages… On ne comprend même pas ce qu’ils disent » Ceux qui parlent ne sont pas plus raffinés, presque tous à moitié ivres dès le début de la journée, leurs enfants trainent dans les rues, font des bêtises, peu vont à l’école que vient d’ouvrir le curé.

    Les fenêtres se ferment quand ils déambulent dans la grande rue du village. « Sauvages… retournez dans vos marais mouillés… » Quelques enfants les suivent et veulent se joindre à eux. Le denier de la famille, Alphonse, joue avec avec eux et se perd dans les ruelles. Il appelle, il crie, rencontre une dame bien habillée, au visage doux : « Je ne te connais pas, ne viens-tu pas de ces marais, par ce froid, quel malheur pour vous ! » l’enfant parle, elle a du mal à comprendre…Il se met à pleurer. Elle lui prend la main mais il se sauve à toutes jambes et se heurte à un très vieux monsieur qui a perdu toutes ses dents : « N’aie pas peur, je ne vais pas te manger, je n’ai plus de dents » Il lui sert la main et tente de l’emmener chez lui. L’enfant lui crache au visage et s’évade.

    Soudain, il entend les cloches de l’Eglise sonner. La nuit commence à tomber. Il voit une lumière scintiller à travers la fenêtre d’une grande maison et se dirige dans sa direction. Une voix l’appelle, c’est celle de son père. Après s’être de nouveau perdu il retrouve sa famille, toute recroquevillée au pied de la petite Eglise. Un vieux curé vient ouvrir. « Pour la nuit vous pourrez dormir au fond de l’Eglise, mon sacristain va vous apporter des couvertures »

    La nuit est agitée et froide…Dès l’aube une grande dame élégante ouvre la porte, marche de long en large dans les allées, manque de heurter les enfants étalés près du chœur. D’une voix forte et criarde, elle annonce «  Je suis la propriétaire du château, je viens vous chercher, je vais vous loger… »

    Ils s’activent, croyant rêver…

    Arrivés au château, qui se tenait à deux pas, la dame leur annonce : «  Je vais vous loger dans la grange, il y a du foin et de la place pour tout le monde, ce sera toujours mieux que vos huttes. Mais il faudra aider pour les travaux de la ferme et s’occuper des animaux… Je vous donnerai à manger »

    Ils s’installent, trouvent une place pour chacun, vomissent tous les uns après les autres en raison de la forte odeur dégagée par les animaux. Un vieux serviteur leur apporte un breuvage fait de vieux pain trempé dans un bouillon de légume.

    De l’ouvrage il n’en manque pas ! Le soir ils sont épuisés. Les enfants travaillent aussi pour le soin des animaux. Ils mangent souvent les restes des repas, les mêmes que l’on donne aux chiens…

    Le printemps arrive enfin.

    Ils se disent : « Retournons dans nos marais ! Là-bas, on mange ce qu’on veut grâce à notre pêche et notre chasse, on n’est pas commandé, on est libre… On va calfeutrer la hutte pour l’hiver et faire une grande réserve de bois…»

    Ils retournèrent dans leur marais, y vécurent pauvrement, mais fiers de leur indépendance.

     

    N.B. Inspiré en partie d’une histoire vraie

     *Terme local


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  • par Louis-Marie Roussiès

    17 octobre 2018

     

    C’est une maison aux paupières fermées
    Qui garde secrets mes souvenirs passés.
    Plantée sur une butte, au-dessus du marais
    On l’aperçoit de loin en passant la rivière.

    Vieille demeure datant du dix-neuvième
    Elle est abandonnée depuis quelques années.
    Comme un tableau précieux jauni et craquelé
    Je l’apprécie toujours et la trouve attachante.

    J’entends alors des bruits, des voix assourdissantes
    Et je ressens l’émoi d’un enfant agité.
    A l’intérieur des lieux des images jaillissent
    Puis rejoignent à jamais l’univers du silence.

    Sur le chemin du bas une charrette avance
    Tirée par des chevaux aux pas lourds et sonores.
                   
    Je m’en vais  de ce lieu sans regrets ni remords
    Emportant avec moi tous mes trésors d’enfance.


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  • par Louis-Marie Roussiès

    mars 2017

     

    A la fin 1999 une surprenante série d’événements tragiques s’abattit sur Beauval à la suite d’une grande tempête qui dévasta la région. Des arbres furent arrachés, des voitures submergées dans le flux de la rivière, des toits emportés, de nombreuses maisons inondées…Un enfant de dix ans ainsi qu’un couple de vieillards furent portés disparus. Les hélicoptères tournèrent pendant plusieurs jours, des plongeurs envoyés par les pompiers scrutèrent la rivière et de grandes battues s’organisèrent… Chaque soir, on se retrouvait dans la salle municipale pour faire le point sur la situation et héberger ceux qui n’avaient plus rien. Une grande solidarité, jamais connue, se manifesta à cette occasion dans le village. Le préfet se déplaça et promit des indemnités pour la reconstruction. Certains perdirent beaucoup et crièrent leur désespoir auprès des médias : On n’aura jamais assez d’argent pour payer les dégâts ! La vie ne sera plus comme avant! J’ai tout perdu !

    De jour en jour, la vie reprit, lentement, dans la douleur pour quelques-uns. L’enfant fut retrouvé tout transis, apeuré, malade, dans le bois de Grand-lieu. On apprit qu’il était parti jouer dans sa cabane au moment de la tempête ! Sa vie n’était pas en danger. Les recherches continuaient pour les vieillards. La rivière boueuse, trimballant des branches et des objets divers reprit son lit.

    Quelles que soient les conditions atmosphériques Alban faisait sa promenade quotidienne sur le chemin de halage. Les dégâts qu’il observait lui donnaient la nausée ; il ne retrouvait plus ses lieux, empreints de beauté même au creux de l’hiver. Tout à coup, il vit un corps dans l’eau recouvert d’un tissu rouge et blanc. Dans un réflexe, ne pensant pas au danger, il n’hésita pas à plonger, sans se dévêtir, dans une eau très froide. En quelques brasses il s’approcha, souleva la tête hors de l’eau du naufragé et grâce à une nage laborieuse sur le dos tira le corps sur le rivage. Par des gestes, qu’il avait appris dans son ancienne vie comme marin en haute mer, il réussit à lui faire cracher l’eau de ses poumons. Quelques instants suffirent pour qu’une légère respiration se manifestât. Trois passants s’attroupèrent ; un vieux monsieur reconnut le corps de Mme Da Silva, une personne seule, qui vivait à l’écart dans le bourg du village. On ne l’avait pas vue depuis quelques jours mais personne ne s’était inquiété. Les pompiers prévenus arrivèrent rapidement et demandèrent à Alban de les rejoindre à l’hôpital.

    Elle reprenait tout doucement ses esprits. Ses yeux révulsés lui donnaient une apparence mortifère. Elle ne répondit pas aux questions sur son identité. Elle portait un collier au bout duquel pendait un petit bijou, un joli cœur doré, peut-être en or. Dans sa veste rouge on trouva une lettre illisible et un petit carnet rempli d’adresses. Elle fut placée, tout de suite, en réanimation et les recherches sur son identité auprès du Maire du village confirmèrent qu’il s’agissait bien de Mme Da Silva, 65 ans, retraitée, mère de trois enfants, dispersés dans différentes villes de France : Paris, Rennes, Avignon. La personne était solitaire, vivait isolée, sans amis connus.

    Alban, très intrigué, entra vite chez lui pour se changer et avec sa voiture alla à l’hôpital prendre des nouvelles. Il attendit très longtemps avant de pouvoir entrer dans la chambre où la naufragée reprenait ses esprits, se demandant où elle était :  

    - Où suis-je ? Que m’est-il arrivé ? Murmura-t-elle dans un souffle :

    - Vous étiez dans la rivière, un homme vous a sauvée. Il est ici, lui dit l’infirmière.

    Elle le regarda furtivement.

    - Je voulais mourir. Pourquoi m’avez-vous sauvée ? 

    - C’est naturel…

    - Il ne fallait pas.

    Mme Da Silva perdit connaissance quelques instants. Un infirmier lui mit un masque pour sa respiration mais sa vie n’était plus en danger.

    Alban voulut en savoir davantage sur cette femme. Il décida de se renseigner auprès de ses voisins. Tous lui dirent que c’était une charmante personne sans histoires, très discrète, mais qui semblait mélancolique depuis le départ de son dernier fils à Paris. Quelqu’un lui dit qu’il l’avait vue, un soir, déambuler dans les rues, l’air hagard, sans but apparent. Un autre lui affirma qu’elle fut une mère exemplaire, dévouée sans compter pour le bonheur de ses enfants, depuis la mort de son mari. Personne ne comprenait son geste.

    Quand Alban le lendemain revint la voir il apprit qu’on l’avait mise dans la section psychiatrie. Il n’eut pas le courage de lui rendre visite de peur de la trouver encore trop perturbée. L’infirmière lui avoua qu’elle allait rester longtemps ici.

    Un matin, Alban parla longuement avec le facteur qui lui confia qu’elle recevait de nombreuses lettres de Tahiti toujours taxées « C’est un ami d’enfance, m’a-t-elle dit, il tient toujours à moi mais ne vient jamais me voir ! Il devrait m’inviter là-bas ! ». L’été dernier aucune lettre n’était parvenue, elle en fut très affectée. Elle souffrait beaucoup de la solitude. Autrefois c’était une personne très gaie, très vivante. Elle chantait, allait à toutes les fêtes menant les farandoles… Dans le village le bruit courait qu’elle avait eu une grande déception amoureuse.

    Les jours passèrent. Le printemps s’annonçait : quelques primevères parsemaient le sol, des bourgeons s’entrouvraient, les pelouses verdissaient. Mme Da Silva, revenue chez elle, promenait régulièrement son chien, les voisins se faisaient plus attentionnés, Paul et sa femme Elise lui rendaient souvent visite.

    Tout à coup, une nouvelle traversa le bourg du village  « la maison de Mme Da Silva a été cambriolée pendant son séjour chez son fils à Avignon » Des passants s’étaient inquiétés en voyant qu’une porte était entrouverte. La police, prévenue, arriva sur les lieux et constata un grand chambardement : des lits retournés, des armoires vidées, de la vaisselle cassée, des tableaux enlevés et beaucoup de bouteilles d’alcool vides. Elle fut longuement interrogée mais l’enquête n’aboutit pas : elle n’avait pas d’argent chez elle, ne se connaissait pas d’ennemis… On conclut à une tentative de vol par des personnes venant de la ville voisine car d’autres cambriolages avaient été signalés dans la région et quelques personnes suspectes arrêtées.

    Toutefois, les enfants très inquiets de son addiction à l’alcool et de sa tentative de suicide, exigèrent un suivi plus satisfaisant, plus exigeant. A tour de rôle, ils vinrent passer quelques jours chez elle pour remettre de l’ordre, l’accompagner mentalement et trouver des solutions appropriées.

    Les services sociaux la prirent en charge. Alban et sa femme Elise, à la retraite, acceptèrent de l’accueillir chez eux pendant quelques temps à condition qu’elle soit suivie par un médecin et un psychologue et surtout qu’elle arrête la boisson

    Ils l’installèrent à l’étage dans la petite chambre mansardée de la maison. Elle dormit pendant trois jours et trois nuits après avoir pris un médicament adapté pour le sevrage de l’alcool. Bientôt, elle partagea les repas avec Alban et Elise. Tout doucement, elle se confia, cria sa haine, pleura sur son passé « son mari décédé, son amant perdu, l’alcool comme consolation, son manque d’argent, son envie de se suicider qui la poursuivait… » Elle finissait toujours par s’endormir sur le grand canapé.

    Elise s’était prise d’amitié pour elle. Toutes les deux échangeaient parfois leurs émotions jusqu’au bout de la nuit.

    Un jour, elle voulut aller chez elle mais revint le soir même. Quand Elise l’aperçut au loin elle courut à sa rencontre car son visage dévasté en disait long sur son angoisse «  Je ne sais pas… Je ne sais plus… Je veux revoir mes enfants.. » dit-elle dans un souffle. Elle resta longtemps prostrée, Elise lui tenant la main.

    Le lendemain, Alban au cours de sa promenade au bord de la rivière, près de la berge, vit un corps inanimé, recouvert d’un tissu rouge et blanc qu’il reconnut tout de suite. Il essaya vainement de la réanimer, appela les pompiers. Il se pencha, enleva le collier au bout duquel pendait un petit bijou, un joli cœur doré. Très ému, il le serra fort dans sa main. Une larme glissa sur sa joue.

     


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