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Thérèse Prunier
juin 2018
La campagne vivait remplie de verdure et de haies touffues.
Les hautes branches des chênes habillées de leur feuillage donnaient de l'ombre aux animaux en pâturage. Les châtaigniers procuraient de la vie aux bordures des champs. Des épines y poussaient allègrement.
Les bouquets de fleurs qui s'y formaient animaient les haies dès le printemps. De nombreux végétaux les accompagnaient, tels que les saules, épines blanches, les ronces, les genêts et les bouleaux, tous donnaient vie à la campagne de mon enfance.
Les haies s'épanouissaient et prenaient de l'épaisseur, empiétant sur les cultures, avec de grandes hauteurs qu'il fallait gérer et tailler. A leurs pieds, de petites plantes, violettes, coucous et primevères fleurissaient.
Les chemins bordés de hautes branches procuraient des ombrages frais les jours d'été, mais ils restaient très humides et boueux l'hiver aux moments des pluies.
Les jours d'automne, sur les talus, nous trouvions des champignons, des bolets au pied des chênes, de belles châtaignes pour de bons plats d'hiver.
Descendant de la forêt, de petits ruisseaux s'écoulaient et rejoignaient les mares. L'un d'eux, suivant sa pente, traversait le chemin qui allait chez nos grands-parents. Nous y avions fait de petits moulins. Le ruisseau continuait son parcours pour se jeter plus loin dans la rivière près du village de mon enfance.
Les futaies bordant les chemins formaient des tunnels qui m'impressionnaient et m'inquiétaient. Par le passage des charrettes et des chevaux, les chemins étaient bien souvent un bourbier peu rassurant pour la petite fille que j'étais, qui devait y passer pour aller chez notre grand-mère.
Les fermes parsemées dans la campagne étaient isolées et constituaient de petits hameaux posés dans la verdure.
Les oiseaux chantaient dès le matin, la température était douce et favorisait une vie dynamique et heureuse. Les coucous, les grives et autres hôtes des bois et des haies, se mettaient en concert pour égayer la campagne.
Au printemps dans les vergers, les arbres fruitiers, pommiers, poiriers, cerisiers, éclataient de toutes leurs fleurs. Ils étaient très beaux !
Chaque matin, notre maison, située en bordure du village, s'éveillait au son de l'angélus. La cloche tintait d'une douce mélodie, encourageant les campagnards aux travaux des champs et des jardins. C'était le pays de ma petite enfance !
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Chantal Duneau
28 mars 2018
Nuit
Traversée de bleus frissons
Appesantie de rêves non éclos
Chaque feuille est en attente douloureuse
D’une providentielle averse
Mais tu n’enfantes que du vent
Nuit
Tissée d’angoisses
Au chevet de nos insomnies
Refuge des espérances tues
Quand meurent au lointain
Les sanglots des sources invisibles
Et que s’installe un effrayant silence
Nuit
Obscure présence
Peuplée d’ailes frémissantes
Jalouse de tes noires magies
Dans la ronde hallucinante des spectres
La grâce dansante de l’arbrisseau
Devient l’éternelle menace
Au fatal détour du chemin
Nuit
Diluée lentement à l’horizon blêmi
Quand naît au monde l’exigeante aurore
Éclatée au matin pour l’hymne des soleils
Nuit
Tu cèdes enfin la place au jour.
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par Chantal Duneau
14 février 2018
Le soleil
Sur la carte du temps
Très lentement
Descend.
Ses longs rayons obliques
Jaloux de leurs couleurs
Sans cesse réinventées,
Éclatent à l’horizon de nos vieilles cités.
Sur un ciel indécis
Suspendu un moment
Aux portes de la nuit
Il joue de tout son art
Sur de secrètes cordes.
Et le cœur s’abandonne
En cet instant fugace,
Lâchant toute rancune
Oubliant ses défaites
Et ses peurs tenaces.
C’est sans tristesse aucune
Qu’il peut s’approprier
La beauté du tableau
Avant que les ténèbres
Ne viennent tout recouvrir.
Pourtant, de ce couchant,
Sous l’impassible voûte,
Jaillissent l’or et le sang
Nous rappelant soudain
Qu’en un lointain si proche
Et presque chaque soir
Un soleil noir
Se noie,
En méditerranée.
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Chantal Barillot
31 janvier 2018
Depuis trois jours, le ciel déversait sa colère sur Paris, sur les toits, les pare brises, les parapluies, sur la Seine, les jardins publics, les monuments. Dans la tête de Manu, dans ses yeux, dans son silence, la même colère. Mais sa colère à lui, c’était sur sa mère qu’elle se déversait. A.V.C. avait dit le médecin. Coma profond. On ne sait pas si elle se réveillera. Il faut attendre, lui parler. Il lui parlait, tous les jours il lui parlait. Elle ne répondait pas. Elle n’avait jamais répondu. C’était urgent maintenant. Sinon elle s’en irait avec son secret et lui ne saurait jamais qui était son père. Ce soir là, il l’avait secouée, secouée, pour tenter d’obtenir une réponse, une infirmière était entrée, il avait fui, marché dans Paris sous le ciel noir pour apaiser sa colère, cacher la honte de cette colère. Il avait décidé de ne plus retourner à l’hôpital pendant quelque temps, de prendre un peu de distance.
Le lendemain matin, il s’était rendu dans l’appartement où il avait passé toute son enfance. Le désordre qui y régnait témoignait de la vie fantasque qu’ils y avaient menés tous les deux et qu’elle continuait d’y mener malgré les années. Assis dans la cuisine, il avait répété sans en prendre vraiment conscience les gestes familiers dont il avait l’habitude quand il venait la voir. D’une main, il avait repoussé le fouillis hétéroclite qui encombrait la table, avait placé deux tasses sous le percolateur. Mais elle n’était pas là. Elle n’était plus là. A sa place un vide, le même vide les matins où, enfant, il préparait deux bols mais déjeunait tout seul sur la même table encombrée, parce qu’elle n’était pas rentrée. Pour combler l’absence, il avait attrapé en haut du buffet, la petite boite de galettes bretonnes remplie des photos d’un temps passé… Aujourd’hui, sa mère ressemblait encore beaucoup à cette adolescente, la même silhouette gracile, le même visage ovale, le même regard noir, décidé, la même tignasse indomptable, plus grise maintenant…
Dans la boite de biscuits, il avait trouvé une carte postale à laquelle il n’avait jamais, jusqu’à présent, prêté la moindre attention. Pourquoi, ce matin là, ce paysage normand d’une mer grise sous un ciel d’hiver avait-t-il retenu son regard ? Au dos, quelques mots : Un homme…une femme… une rencontre…plus bas une signature, indéchiffrable. Immédiatement, il avait pensé au film de Claude Lelouch paru peu avant sa naissance. Il avait fredonné : Chabadabada… chabadabada…
Allongé sur le lit étroit dans la chambre qui restait la sienne, la carte postale dans la main, il assemblait les morceaux d’un puzzle fantasmatique et échafaudait une histoire, son histoire… Sur cette plage immense, déserte en hiver, un homme, une femme s’étaient rencontrés, s’étaient aimés. Mais la femme était trop libre, trop rebelle, cette femme, c’était sa mère… et l’homme…Des images s’étaient succédées, un peu floues. La cuisine…la table encombrée… Trois bols… un homme … des tatouages sur les avant-bras… et un enfant… une voiture… des rires…un long voyage… une plage immense et la mer, l’eau jusqu’au bout du ciel… l’homme et l’enfant assis sur le sable humide, serrés l’un contre l’autre et la mer… les vagues… les minuscules petites pattes qui courent dans tous les sens au bord de la mousse blanche… les oiseaux multicolores au bout de leur ficelle… un chien mouillé… Rêvait-il ? S’était-il endormi ?
Manu se tient debout, d’inoffensives vaguelettes viennent lécher ses chaussures accompagnant le bruit léger du ressac. Il reste immobile un moment, le regard fixé sur l’horizon qui s’obscurcit, puis remonte vers la promenade, s’assoit tout en haut sur le sable sec. Bientôt, la nuit va effacer les quelques images imprécises aux quelles il s’accroche. Quelques promeneurs tardifs font gémir les planches de bois, une femme court le long des vagues, un enfant joue avec un grand chien roux.
L’enfant porte un bonnet rouge et des bottes de la même couleur. Il s’est assis pas loin de Manu. Le chien gratte le sable, l’enfant jette un bâton, le chien court vers la mer, revient le bâton dans la gueule, jappe joyeusement près de l’enfant, lui lèche le visage, l’enfant rit, Manu aussi. Le même manège continue quelque temps : Le chien, le bâton, l’enfant, son rire et le rire de Manu. Puis l’enfant se lève,
- Comment tu t’appelles ? dit Manu,
- Gaspard, répond l’enfant,
- Et ton chien ?
- Le chien
- Ah ! dit Manu
- Et toi ?
- Manuel mais tout le monde m’appelle Manu
- Tu vas rester longtemps ?
- ça dépend. Je cherche quelqu’un.
- Ah ! dit l’enfant
Il rappelle son chien et s’éloigne en faisant un geste de la main.
Tout sur la grande plage déserte maintenant est calme et tranquille
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Nadine Foissotte
6 décembre 2017
Je suis libre
Comme la feuille qui danse sous l’alizé
Comme la fumée qui s’élève du foyer
Tu es libre
Comme les nuages détalant dans le ciel
Comme l’enfant aux cheveux couleur de miel
Elle est libre
Comme le voile enlevé, son choix assumé
Comme le corps dénudé prêt à s’exposer
Nous sommes libres
Comme les vagues qui dansent sur l’océan
Comme les étoiles luisant au firmament
Vous êtes libres
Comme le chaud soleil protecteur des moissons
Comme la neige nous offrant ses blancs flocons
Ils sont libres
Comme l’esclave enfin délivré de ses chaînes
Comme tous les hommes libérés de leurs haines
…Etre libre
Comme le bel oiseau sorti de sa cage
Comme les mots qui gambadent sur ma page
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