• Thérèse Prunier

    décembre 2018

     

    Ce jour-là est particulier et l’enfant le ressent. Il pleure, car il était en séjour chez ses grands-parents depuis un mois, et sa maman est venue le chercher pour le retour au domicile. La grand-mère aide aux préparatifs pour ne rien oublier : les vêtements, les jeux du petit et tout ce qui est indispensable pour le trajet qui dure plusieurs heures. L’enfant d’une année et demie vit l’agitation, ressent les mouvements mais ne peut que regarder ! Il est inquiet. Que se passe-t-il ?

    Le trajet vers le T.G.V. va demander plus d’une heure, le train n’attendra pas les retardataires, les adultes sont sous pression. Pour la circulation, ils devraient avoir de la chance en raison de l’horaire et des prévisions du temps, mais… la rocade de Paris bouchonne.

    Une moto accidentée est au sol, les secours sont près du motard. Après un long moment la voie est libre. L’enfant pleure et commence à s'agiter à cause de tous ces arrêts, il perçoit l’inquiétude du conducteur de la voiture qui s’interroge sur l’heure d’arrivée à la gare.

    Enfin celle-ci est là. Vite la maman, son enfant et la mamie prennent les bagages, la poussette et en courant, elles vont en direction du quai.

    Par un haut-parleur une voix indique « les voyageurs sont priés de monter dans le train ». La course leur permet d’arriver au niveau de la première voiture, ce n’est pas celle de la réservation mais il est urgent que la maman et l’enfant grimpent à bord avec les bagages ; le petit pleure encore, angoissé par cette grande agitation.

    Un passager les aide à monter, l’enfant crie et pleure encore plus au moment de la séparation d'avec sa grand-mère, « de celle qui partageait sa vie depuis un mois ». Des cris retentissent, la porte se ferme, c'est un départ douloureux pour cet enfant, sa famille, mère et grand-mère.

    Cette dernière repart vers sa voiture et laisse ses larmes s’écouler. Sa peine est grande, le petit est reparti vers sa montagne, des kilomètres les séparent.

     


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  • par Louis-Marie Roussiès

    17 octobre 2018

     

    C’est une maison aux paupières fermées
    Qui garde secrets mes souvenirs passés.
    Plantée sur une butte, au-dessus du marais
    On l’aperçoit de loin en passant la rivière.

    Vieille demeure datant du dix-neuvième
    Elle est abandonnée depuis quelques années.
    Comme un tableau précieux jauni et craquelé
    Je l’apprécie toujours et la trouve attachante.

    J’entends alors des bruits, des voix assourdissantes
    Et je ressens l’émoi d’un enfant agité.
    A l’intérieur des lieux des images jaillissent
    Puis rejoignent à jamais l’univers du silence.

    Sur le chemin du bas une charrette avance
    Tirée par des chevaux aux pas lourds et sonores.
                   
    Je m’en vais  de ce lieu sans regrets ni remords
    Emportant avec moi tous mes trésors d’enfance.


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  • Jean-Jacques Vollmer

    3 octobre 2018

    (Amusement de vacances)

     

    Quand j'étais jeune, je faisais partie d'une petite bande dont l'activité principale consistait à ne rien faire, ou alors des choses peu recommandables. Je me demande comment j'ai pu m'associer à tous ces individus, tous plus bizarres les uns que les autres, sauf moi, bien sûr. Certains étaient de vrais cas pathologiques, ils s'en vantaient d'ailleurs, c'est pourquoi par dérision nous nous surnommions « la bande des cas ».

    Parmi eux, il y en avait deux que j'aimais bien. Le Gall était un bon copain, un garçon le cœur sur la main. Doté d'un accent breton assez rugueux, on comprenait « Le Call » quand il se présentait. Lorsque notre groupe faisait des bêtises, il était le premier à avouer, endossait les fautes des autres, il était donc puni. Comme à côté de ça il aimait le fromage, on avait pris l'habitude, quand une nouvelle bêtise était découverte par un surveillant furieux, de lui passer un camembert en catimini, en lui glissant à l'oreille : « Le Call, endosse ! »...

    Le Bars était un autre ami, qui avait la particularité de ne pas vouloir porter de slip. C'était vraiment un cas, ce gars. On l'appelait le cas Lebars.

    On avait d'autres gars curieux dans le groupe. C'étaient vraiment des cas, tous. Il y avait :

    • Calais, moche comme un pou. En plus, il habitait le Nord.
    • Un autre, qui était juif et trouvait tout trop cher. On l'avait surnommé le Cas Cher. Son meilleur copain, juif aussi, très religieux, voulait devenir médecin. Ses délires mystiques nous l'avaient fait appeler le cas rabbin.
    • Viard, qui ne mangeait que des bonnes choses parce qu'il en avait les moyens et ne partageait avec personne. C'était le cas Viard.
    • Un allemand, têtu comme une mule. C'était le cas Boche
    • Bernhet, un tourangeau porté sur le rosé, crédule comme pas deux. Ah ! J'y pense encore, quel cas, Bernhet !
    • Et d'autres que je vous passe

    Si, j'oubliais, il y en avait un qui était littéraire et portait Kafka aux nues. Il ne lisait que lui, souvent dans les toilettes, au point qu'on était inquiet, car il se prenait pour l'arpenteur K, le héros du « Château ». Son cas était très grave sur la fin, c'était vraiment le Cas K.

    On formait une bonne bande, un peu déjantée, mais on riait bien.

     

    Aujourd'hui, le groupe n'existe plus et je n'ai plus de copains, mis à part un chat, qui est très drôle et se met sur mes genoux chaque fois que je veux lire. Je l'ai donc appelé Chapitre.

    Mon voisin en a un aussi, mais très vilain, la queue cassée et qui marche de travers, comme un marin sur un bateau qui roule. C'est pour ça qu'il l'a nommé Chaloupé.



    Voilà. Je vous ai tout dit sur mes fréquentations de jeunesse...

     


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  • Jean-Jacques Vollmer

    20 janvier 2018

     

    Je déambulais nonchalamment sur l'avenue de l'Opéra, regardant distraitement les vitrines, et surtout les jolies bourgeoises qui me croisaient ou me précédaient, lorsque quelqu'un me dépassa en courant, me bousculant au passage. Je m'apprêtais à faire une remarque désobligeante, néanmoins courtoise, mais je ne vis qu'une silhouette indistincte qui s'éloignait rapidement, se perdant dans la foule. Au passage, un sac de femme plutôt lourd m'était tombé sur les pieds, et je trébuchai dessus.

    Je le ramassai, et fis quelques pas pour rattraper sa propriétaire, mais c'était peine perdue. Je me retournai afin de voir si la victime d'un larcin présumé se manifestait pour récupérer son bien, mais non, rien, personne ne courait en hurlant « au voleur ! », personne n'avait un visage inquiet, personne ne semblait avoir remarqué l'incident. Je me trouvais soudain un peu bête, debout au milieu du trottoir le sac à la main, au milieu de badauds qui me contournaient, agacés devant cet obstacle imprévu.

    Après quelques instants d'hésitation, j'allai m'asseoir à la terrasse du Café de la Paix afin de réfléchir et me rafraîchir devant un pastis bien tassé. Je n'avais pas l'intention d'aller au commissariat ; d'ailleurs je ne savais même pas où il se trouvait, et ils m'auraient fait perdre mon temps, les flics. Alors j'ai ouvert le sac.

    Je suis tout de suite tombé sur un portefeuille de bonne taille. Mais pour le reste, quelle surprise ! Ah vos sacs, Mesdames ! Quel bazar ! Que d'objets bizarres et incongrus ! Rouge à lèvres, Chanel n°5, clés, lunettes de soleil Rayban, mouchoirs en papier : là ça allait. Mais à côté de ça, trois crayons, un stylo, une gomme, deux trombones, un préservatif grand modèle, un trognon de pomme, un cigare, un cendrier Martini en céramique, une petite bombe lacrymogène, le dernier numéro de « Fluide glacial », un collant chiffonné...Il ne manquait plus que le raton-laveur !

    J'ai refermé et posé le sac sur la table, à côté de mon pastis, le portefeuille sous la main. Quelle femme pouvait bien transporter dans son sac un bric à brac pareil ? Je laissai mon imagination vagabonder quelques minutes, reculant le moment d'ouvrir le portefeuille. C'était sûrement une jolie femme, blonde (je préfère les blondes), en tailleur très classique, avec de beaux yeux et un magnifique sourire, une coiffure élaborée, de longues jambes sur des talons hauts...Rien à voir en fait avec le contenu du sac, rien d'imaginatif, c'est juste que je fantasmais sur les jolies femmes croisées sur le boulevard quelques minutes auparavant.

    Poussant un soupir, je m'apprêtais à ouvrir enfin le portefeuille, lorsqu'une furie surgie de nulle part vint se planter devant moi et se mit à m'apostropher dans un langage peu châtié et pourtant roucoulant, tout en me donnant des tapettes sur le bras avec un journal roulé :

    - Voleur ! Salopard ! Mon sac ! C'est mon sac ! Touchez pas à mon portefeuille, mon mignon! Vous n'avez pas honte ? Dépouiller une pauvre fille comme moi !

    Complètement pris au dépourvu, j'essayai de me lever, sans savoir quoi dire en dehors d'onomatopées indistinctes. Devant moi se dressait une grande bringue en minijupe et chemisier criard, aux lèvres peintes d'un rouge débordant, de longs cheveux roux sans doute faux entourant un visage ingrat, éructant des insanités. Baissant les yeux, je vis aussi des talons hauts surmontés de jambes bien poilues, et c'est alors que je me rendis soudain compte que ma bourgeoise blonde était ...un travesti.

    Ah là là ! Pouvoir du rêve...Il (ou elle) avait perdu son sac sans s'en apercevoir dans la bousculade et avait fait demi-tour pour le retrouver. Je le lui ai rendu avec son portefeuille, essayant de ne pas faire attention aux visages hilares des clients du Café, et je me suis empressé de disparaître.

     


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  • Nadine Foissotte

    3 octobre 2018

     

    Après un dernier virage, la route départementale où l’on pouvait se garer sans crainte, tant elle était peu fréquentée, nous guidait vers l’étroit sentier qui partait du vieux pont.

    Déjà on distinguait la clairière. Derrière l’entrelacement des aulnes et des frênes, le soleil s’amusait avec les feuilles pour projeter sur le tapis d’herbe vert tendre, des taches flamboyantes dansant au gré du balancement des branches. Bordant le chemin, les premières hélophytes nous plongeaient dans le monde inconnu et mystérieux du bord de l’Avre.

    Comment résister au plaisir de vous citer la grande glycérie, cette graminée aux gracieux plumets qui ne peut rivaliser avec le roseau commun orné de son magnifique panicule plumeux, tous sublimés par une lumière incomparable ! Une roselière de massettes à feuilles larges, aux longs tubes bruns, s’étendait sous nos yeux ravis. Ces roseaux nous réjouissaient, nous les comparions à une colonie de gros cigares et déjà le bien-être nous envahissait, étourdis par cet univers inhabituel.

    Un léger froissement d’ailes, quelques poules d’eau que nous dérangions s’éparpillaient bien vite sous les futaies et fuyaient les intrus.

    Le bruit léger de l’eau qui courait caressant les longues herbes, nous faisait allonger le pas. Ici il fallait sauter pour enjamber un petit ruisseau dans lequel s’épanouissaient la dorine à feuilles opposées, le cresson de fontaine et la menthe aquatique.

    Des brassées de parfums nous enivraient.

    Sous les saules dont les racines retenaient la berge, quelques iris fanés badinaient avec leurs fines et gracieuses branches qui semblaient faire la révérence à leur maîtresse, la rivière.

    La salicaire aux épis de couleur pourpre, la lysimaque et ses inflorescences de fleurs jaunes formaient des ensembles harmonieux, dus à un invisible et extraordinaire jardinier.

    C’est avec précaution que nous posions nos paniers dans l’herbe fraîche par de chauds et jolis dimanches d’été. La nature nous accompagnait et c’est avec respect que nous repartions repus de bon air et fourbus par les froides et revigorantes baignades.

     

    Vous et moi qui aimons tant écrire, j’ai eu envie de vous transcrire ces quelques lignes d’Alfred de Musset :

    « Pour écrire à ceux qu’on aime,

    Est-il besoin de tant d’esprit ?

    La plume va, court d’elle-même

    Quand c’est le cœur qui la conduit »

     

     


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