• Il était une fois...

    par Louis-Marie ROUSSIES

    2019

     

    Il était une fois, au milieu des marais, de pauvres paysans qui cultivaient quelques lopins de terres (des mottes)* séparés les uns des autres par de grands fossés remplis d’eau pendant l’automne et l’hiver. Ils se déplaçaient en barque. Le père, la mère et leurs six enfants habitaient dans une hutte* (cabane en bois)

    Cet hiver-là était très froid et le bois venait à manquer. La mère dit à son époux : «  Nous ne pourrons pas survivre, il fait trop froid et la nourriture vient à manquer, il faut rejoindre le village le plus proche » Les enfants recroquevillés dans un coin de la cabane approuvent de la tête « Il faudra faire plusieurs tours, sinon la barque va chavirer, murmure le père.  Et là-bas nous ne connaissons personne où vais-je les mettre par ce grand froid ? » « Tu trouveras bien un abri, ce sera toujours mieux qu’ici crie la mère, on meurt de froid et on commence à avoir les pieds dans l’eau »

    L’expédition dans les fossés fut laborieuse, dangereuse, plusieurs fois le bateau faillit chavirer. Une chance car personne ne savait nager.

    Ils arrivent au village, se regroupent dans une auberge remplie d’hommes qui se moquent d’eux  « Regardez ces gens tout dépenaillés… Ils sentent mauvais… Ils vont nous apporter leurs maladies… Ils vivent comme des sauvages… On ne comprend même pas ce qu’ils disent » Ceux qui parlent ne sont pas plus raffinés, presque tous à moitié ivres dès le début de la journée, leurs enfants trainent dans les rues, font des bêtises, peu vont à l’école que vient d’ouvrir le curé.

    Les fenêtres se ferment quand ils déambulent dans la grande rue du village. « Sauvages… retournez dans vos marais mouillés… » Quelques enfants les suivent et veulent se joindre à eux. Le denier de la famille, Alphonse, joue avec avec eux et se perd dans les ruelles. Il appelle, il crie, rencontre une dame bien habillée, au visage doux : « Je ne te connais pas, ne viens-tu pas de ces marais, par ce froid, quel malheur pour vous ! » l’enfant parle, elle a du mal à comprendre…Il se met à pleurer. Elle lui prend la main mais il se sauve à toutes jambes et se heurte à un très vieux monsieur qui a perdu toutes ses dents : « N’aie pas peur, je ne vais pas te manger, je n’ai plus de dents » Il lui sert la main et tente de l’emmener chez lui. L’enfant lui crache au visage et s’évade.

    Soudain, il entend les cloches de l’Eglise sonner. La nuit commence à tomber. Il voit une lumière scintiller à travers la fenêtre d’une grande maison et se dirige dans sa direction. Une voix l’appelle, c’est celle de son père. Après s’être de nouveau perdu il retrouve sa famille, toute recroquevillée au pied de la petite Eglise. Un vieux curé vient ouvrir. « Pour la nuit vous pourrez dormir au fond de l’Eglise, mon sacristain va vous apporter des couvertures »

    La nuit est agitée et froide…Dès l’aube une grande dame élégante ouvre la porte, marche de long en large dans les allées, manque de heurter les enfants étalés près du chœur. D’une voix forte et criarde, elle annonce «  Je suis la propriétaire du château, je viens vous chercher, je vais vous loger… »

    Ils s’activent, croyant rêver…

    Arrivés au château, qui se tenait à deux pas, la dame leur annonce : «  Je vais vous loger dans la grange, il y a du foin et de la place pour tout le monde, ce sera toujours mieux que vos huttes. Mais il faudra aider pour les travaux de la ferme et s’occuper des animaux… Je vous donnerai à manger »

    Ils s’installent, trouvent une place pour chacun, vomissent tous les uns après les autres en raison de la forte odeur dégagée par les animaux. Un vieux serviteur leur apporte un breuvage fait de vieux pain trempé dans un bouillon de légume.

    De l’ouvrage il n’en manque pas ! Le soir ils sont épuisés. Les enfants travaillent aussi pour le soin des animaux. Ils mangent souvent les restes des repas, les mêmes que l’on donne aux chiens…

    Le printemps arrive enfin.

    Ils se disent : « Retournons dans nos marais ! Là-bas, on mange ce qu’on veut grâce à notre pêche et notre chasse, on n’est pas commandé, on est libre… On va calfeutrer la hutte pour l’hiver et faire une grande réserve de bois…»

    Ils retournèrent dans leur marais, y vécurent pauvrement, mais fiers de leur indépendance.

     

    N.B. Inspiré en partie d’une histoire vraie

     *Terme local


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