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Les saisons
Jean-Jacques Vollmer
19 mars 2014
A mesure que l'âge m'envahit, la nature me devient plus lointaine.
L'hiver de la vie est comme l'hiver des saisons : plus froid, plus vide, plus difficile à traverser. Les couleurs et les nuances s'effacent, il ne reste que le noir et le blanc, parfois du gris. Le calme succède à l'agitation, le silence au bruit, et les sensations s'estompent. Les pensées se font feutrées et imprécises, croassements de corbeaux à peine atténués par la neige et l'air froid. La beauté des choses s'éloigne, devient à peine perceptible, à l'image des souvenirs d'enfance qui se fondent dans une trame de plus en plus incertaine. Le corps réagit lentement, ou ne réagit plus du tout à ce qui le faisait autrefois bouger : tout se ralentit, tout s'endort, et la fin semble écrite.
L'automne déjà présage cet arrêt progressif : la chevelure s'éclaircit, feuilles mortes tombant des arbres ; les pensées et les sensations perdent peu à peu de leur acuité, pendant que le ciel se couvre de nuages, plus souvent et plus longtemps malgré de brèves éclaircies parfois fulgurantes ; l'été indien rappelle l'été, mais ses jours raccourcis annoncent l'hiver qui s'approche.
L'été, c'est la plénitude, c'est le temps de la récolte des semailles de printemps. Les jours sans fin succèdent aux nuits courtes. En cette saison, la vie culmine à son apogée : l'été scelle l'alliance entre les promesses du début et la réalité de ce qui s'accomplit.
Le printemps, c'est la magie des commencements, la magie de la jeunesse : tout semble possible, pour la nature et pour l'homme. La sève monte, les bourgeons éclatent ; les sensations deviennent aiguës et l'amour envahit le monde ; le cœur de l'univers bat en nous et notre poitrine se dilate comme si la vie qui l'habite devait couvrir la surface de la terre ; chacun se croit immortel et pense que cela durera toujours. Les pensées et les actes se bousculent, se succèdent, se complètent, dans la frénésie de vouloir et de se sentir vivre. Jamais nous ne serons plus proches de la nature qu'en cette saison là. La saveur du printemps imprègne les hommes de manière indélébile, au point qu'ils en auront toujours la nostalgie.
Au fil des ans, les saisons reviennent, la vie meurt puis renaît, cycliquement. Il n'en va pas de même pour les hommes, qui ne connaissent que les quatre saisons de leur unique vie.
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Commentaires
Voyons ! Les crimes c'était pour rire...Et merci pour le reste ...